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Etre belge, c'est avoir besoin de l'autre pour se définir

Face aux discours du genre « mais, nous n’avons rien en commun, tout nous sépare », nous répondons par la question suivante : « qui peut se prétendre belge aujourd’hui ? » Personne. Tout le monde. Etre belge, n’est-ce pas cette humilité d’accepter d’avoir besoin de l’autre pour se définir. De ne pas pouvoir représenter à soi tout seul un modèle type. Nous vivons à l’heure de la multiculturalité, et les Belges ont été, dans le passé, précurseurs d’une identité multiple, complexe, floue, fragile, mais tellement belle. Etre belge, c’est accepter ne pas être belge à soi tout seul. C’est accepter qu’une partie de nous nous échappe. Etre belge, c’est reconnaitre, en nous, notre part d’étranger.  « Un pays n’est pas quelque chose de géographique » disait Brel. Etre belge, c’est plus qu’une réalité, c’est un état d’esprit.

On trouvera toujours des raisons de se séparer. Aujourd’hui, ce sont les tensions linguistiques sur fond d’écarts sociaux, demain cela pourrait être les questions religieuses.

L’autre, par définition, nous est toujours différent. Faire ce chemin de nous-mêmes vers l’autre n’est pas une question linguistique, c’est une question d’épanouissement réciproque qui se présente à nous en voyage, dans nos familles, entre collègues, dans nos couples. L’essence de nos vies n’est-elle pas faite de cela ?

Nous vivons à une époque où nos identités sont davantage à construire qu’il y a cinquante ans. Mais, comment ne pas comprendre que l’identité belge n’a jamais été une évidence statique. Elle a toujours été à chercher, à inventer, et à réinventer et cela depuis que la Belgique est née. Cette identité en recherche et en reconstruction permanente est créatrice. Cela vaut pour les francophones et les néerlandophones, les germanophones, mais aussi pour les italiens, les espagnols, les marocains, les congolais, les turcs qui, hier, ont choisi la Belgique. Aurions-nous fait naître des personnalités comme Toots Thielemans, Jacques Brel, Arno, James Ensor, Jan Fabre, Magritte, Hergé, si nous n’avions pas eu ces brassages, cette complexité, cette non-évidence ? La Belgique est surréaliste, et pourtant elle représente un projet auxquels des générations ont consacré leur vie.

La Belgique, le miroir de l’Europe

L’Europe est un idéal de vivre ensemble. Ce qui se passe dans notre pays nous dépasse. L’enjeu est bien plus grand que nos frontières. Aujourd’hui, l’Europe a besoin de nous, non pas seulement comme Etat membre, mais comme modèle d’un vivre ensemble.

De par notre mixité, notre diversité de cultures, la rencontre des mondes latin et germanique, nos richesses linguistiques, la Belgique a été et reste un des laboratoires de l’Europe. Notre histoire n’est-elle pas la plus européenne de toutes les histoires ? Depuis toujours, nous sommes un carrefour de civilisations. Nous sommes, que nous le voulions ou non, un symbole. C’est notamment, en nos terres et dans nos esprits, tel que celui de Paul-Henri Spaak, que l’idéal européen d’unité a germé.

Ce qui se passe en Belgique, la méfiance de l’autre et le repli sur soi, est la boite de Pandore de tous les Etats membres. Les minorités linguistiques existent partout en Europe, à l’exception du Portugal. Demain ce seront l’Ecosse, la Catalogne, les minorités slovènes en Autriche. Comment pouvons-nous admirer le projet de paix, de réunification avec les pays de l’Est, célébrer la chute du Mur de Berlin, symbole de rassemblement et d’union, et ne pas être prêts à faire le travail nécessaire sur nous-mêmes pour comprendre l’autre et travailler ensemble? Si nous ne sommes pas capables de vivre ensemble, qui en Europe l’est encore ? L’Europe est un idéal, que nous lui avons, en partie, inspiré. Si nous perdons cet idéal, où va l’Europe ?

De par notre histoire, de par l’actualité marquée par les crises et les doutes et de par notre présidence à venir, nous avons un devoir d’exemple.

L’inspiration des consciences dirigeantes

Il y a 50 ans, Paul-Henri Spaak proclamait, lors de la signature des Traités de Rome : « tâchons de léguer au futur la source d’inspiration que nous puisons dans l’immortel passé ». Il est légitime de se demander où est l’inspiration de la classe dirigeante aujourd’hui ?
C’est un fait : les espaces de rencontres et d’échanges entre francophones et néerlandophones se rétrécissent : les universités et les partis politiques ont été scindés. Et nous n’avons jamais eu de médias unitaires bilingues. Nous sommes aujourd’hui dans une centrifugeuse qui s’accélère. Nous nous côtoyons, sans vraiment nous connaître. Mais est-ce une raison pour tout abandonner ? Abandonner notre idéal d’union, et ce que nous avons construit ensemble, n’est-ce pas se mentir à nous-mêmes, et nous embarquer dans la perte de sens que toute la société déplore aujourd’hui ? Ces espaces sont à réinventer. Tous, nous devons y travailler : les artistes, les universitaires, les enseignants, les journalistes, les hommes politiques, les jeunes. Il en va notre responsabilité à tous. Transformons notre désarroi en véritable action commune.

Malgré  tout, les hommes politiques ne portent-ils pas une très lourde responsabilité dans la crise actuelle ? La politique est une vocation difficile, certes, trop souvent décriée et méprisée. Mais cette fonction, dont nous nous désintéressons trop souvent, à tort, semble se vider, de jour en jour, de tout idéal. La preuve en est qu’elle n’inspire plus, ni les citoyens, ni leur confiance. Du coup, les frustrations citoyennes se radicalisent depuis des années à force de statu quo et de dégradations. Nous allons vers de nouvelles élections. N’est-ce pas le meilleur moyen de faire perdre le dernier filet de confiance et d’espoir qui rattachait les citoyens à leurs représentants ? « De nouvelles élections : d’accord, mais avec quels nouveaux visages ? » Quelles nouvelles voix ? Quelles nouvelles idées ?

Les « égos » vont-ils laisser place à l’humilité, la méfiance à la confiance, et les disputes à l’écoute ?

Tout est encore possible. Brel ne chantait-il pas : « on a vu souvent rejaillir le feu de l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux… ».

Ne laissons pas à une poignée de politiciens, le monopole de notre avenir.

Dans moins de deux mois, l’Europe offrira à notre pays, la Belgique, la chance de prêter son visage au projet européen en lui donnant les clefs de la Présidence de l’Union européenne. C’est un honneur et une grande responsabilité. Nous avons un devoir d’exemple. Interrogeons nous : « quel visage voulons-nous offrir au monde ? »

Refusons la fermeture et de l’intransigeance. Exigeons l’ouverture et l’entente de nos hommes politiques. Exigeons de vrais hommes d’Etat, dignes de ce nom, pas des politiciens. Recommençons à espérer. Alors, peut-être pourrons-nous porter un regard neuf sur  ceux que nous sommes.

Car être belge, ce n’est pas se dévisager. C’est s’envisager.

Quentin Martens, 26 ans, Bruxelles
Louis-Alfons Nobels, 26 ans, Turnhout
Antoine de Lame, 26, Rosoux
Sandrine Siegers, 28 ans, Eupen 


11 commentaires:

  1. merci pour ce partage. cela résonne fort fort fort. Riche de l'Autre, de ses différences, de nos complémentarité.

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  2. Bonjour,

    Entièrement d'accord sur la nécessité du dialogue et de l'écoute de l'autre comme un autre soi. Sur la nécessité de vivre ensemble plutôt que de forger des nouvelles séparations, et de dépasser la petitesse des calculs politiques. Mais pourquoi vouloir dire ce qu'est être Belge ou autre chose ? Je ne crois pas que l'ouverture à l'autre doit passer par une identité commune, belge ou européenne. L'identification est un processus divisif et le restera toujours à mon avis. Quelle que soit l'échelle à laquelle on se place, une identité créé deux groupes : nous et les autres. Réagir à une identité régionale qui prend trop de place, en plaçant l'identité un cran au-dessus, ne me semble pas être une solution.
    Bref, un sujet à (re-)discuter ;-)
    Yann

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  3. Quel plaisir et quelle fierté de lire cet article rédigé par 4 jeunes belges, sans doute représentatifs d'une multitude d'autres jeunes.
    Mais à plus de 70 ans ,j'en ai vu passé des élections et des politiciens mus par leur"ego" et leurs chamailleries de parti.
    J'ai peur à nouveau de la "dicature particratique" capable de camoufler de "nouveaux visages,de nouvelles voix et de nouvelles idées"
    Le vote prochain est important et en tant que citoyen belge, il faut l'exprimer.Mais comment si l'on veut rétablir,agrandir et approffondir l'espace socio-culturel commun?
    je m'interroge et n'ai pas de réponse.

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  4. Philippe Constant21 mai 2010 à 13:40

    Rafraîchissant de voir des jeunes réfléchir à des SOLUTIONS alors que l'impression générale est d'être entouré de spécialistes de problèmes...Je pense que nous pourrions commencer par dresser une liste de projets d'intérêt commun. Je commencerai donc par une première proposition concrète : FAIRE DE l'ANGLAIS, LA DEUXIEME LANGUE DE CHAQUE COMMUNAUTE.

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  5. Un grand merci, tout d’abord, de tenter d’aborder la question de manière plurielle, décentrée, presque humaniste.

    On y retrouve le résultat d’une histoire nationale complexe, la couleur d’un pays pluvieux où les frites réconcilient, le temps d’un paquet à 50 balles, les existences les plus différentes.

    Notre identité est clairement floue, difficile à saisir, contrastée. Les Belges ont tendance à l’oublier. A oublier notre esprit d’ouverture, notre capacité à envisager les êtres et les futurs les plus impossibles. A oublier notre passif de fermeture, de cloisonnement et de replis sur soi. A oublier l’histoire de leur pays, et surtout de leur région, au sens géographique, vu la jeunesse de cette petite enclave.

    Les Belges gagneraient certainement à relever le défi qui est devant eux. Cela dit, la politique actuelle a une durée de vie d’à peu près 3 mois. Difficile de relever un quelconque défi. 3 mois, c’est juste le temps qu’il faut pour semer le trouble.

    Enfin, pour répondre à mon prédécesseur, je pense qu’il est important d’apporter des solutions, surtout quand elles ont du sens. Ne penser qu’en termes linguistiques et communautaires n’apportera certainement rien de positif au débat.

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  6. Qu'est-ce qu'être belge pour un étranger en Belgique ?
    1. Être une populace qui n'arrive pas à être une nation.
    2.Etre un champion de la fraude fiscale.
    2. Etre une populace qui ne reçoit et ne demande presque jamais un ticket de caisse ( pire qu'au Belarus de ce point de vue).
    3. Etre assujetti à une administration catastrophique, comparée à tout autre pays européen: même la Bulgarie en a une lus performante (exceptant le facteur corruption).
    3. connaître en détail la pratique des pots de vin pour les marchés publics.
    4. Accepter bêtement (d'ou le terme populace) des services très mauvais et très cher payés, par rapport à tout autre pays européen.
    4.1 Exemple: Téléphonie mobile+ Internet: avec une carte prépayée allemande ou française, en Belgique (= en roaming)on téléphone moins cher qu'avec une carte belge. Internet: 39,9EUR/mois en europe pour une offre "triple pay" ou on peut parler gratuitement vers 72 à 95 pays du monde, contre 60EUR en Belgique, en payant le prix fort pour les appels internationaux FIXES ( jusqu'à 1EUR/min) pour une appel vers un fixe dans l'UE !!!
    4.2 C'est le seul pays en Europe ou faire et puis boucher un trou dans le trottoir: prend 2 semaines, mobilise 3 hommes, plus de la moitié de la terre reste éparpillée autour par la suite.
    5. Avoir les services bancaires les plus moyen-ageux de l'Europe ( c'est un corolaire des services execrables en Belgique): pour les incrédules, petit exemple: soirée resto vendredi soir 5 étrangers et un belge; à la fin, sur les 5 étrangers, installés depuis au moins 3 ans en Belgique, 4 paient l'addition avec leur carte bancaire nationale !!! Deux d'entre eux n'ont toujours pas ouvert un compte en Belgique ! Pourquoi ? Parce que ces gens ne sont pas cons ??? A quoi bon avoir une carte merdrique que l'on ne peut pas utiliser sur internet ? a qui bon avoir un compte ou il faut soit avoir un logiciel soit un Digipass sur soi pour faire un fichu virement dont les délais ne sont jamais respectés paar les banques (qui se font ainsi de la trésorérie overnight illégale). Encourager le paranoïa des belges (on me vole sur l'Internat) rapporte gros et le pire c'est que beaucoup de belges ne se rendent même pas compte du retard des services bancaires dans leur pays: pour eux la normalité c'est la catastrophe (sauf si client banque privée).
    6. Etre la populace qui n'a pas, dans les stations de métro, un seul lecteur de carte étrangère (Soit tu as du cash soit il faut avoir du Bancontact). "Grâce" au niveau civilisationnel de la STIB, les automates n'acceptent pas des billets...du jamais vu en Europe.
    7. E^tre belge c'est être la pupulation la plus grobiane en Europe: merci et pardon sont des mots tabous dans les moyenns de transport.
    8. Etre belge c'est gaspiller de l'éléctricité, du papier et des ressources, en général comme un décérébré, tout en essayant à se racheter par la suite, en faisant du composte.
    8. C'est aussi rouler dans un pays dont la capitale est la championne du monde des embouteillages (Rapport 2010 de Tom-TOM)et dont l'appauvrissement inéluctable se voit dans l'état des routes.

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  7. Pour poursuivre le débat, voici une réflexion plus générale sur la classe politique que j'ai publié sur mon blog : http://www.leblogdetom.info/a-gauche-a-droite-rien/

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  8. c'est tout à fait dans la ligne d'Amin Maalouf "Les identités meurtrières", bravo pour ce texte fondamental qui devrait être le préambule de notre 'Constitution'

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  9. Très beau texte. Merci.Il me fait penser à ce slogan (flamand) que j'ai un jour épinglé sur mon blog: "Liever Belg dan nationalist!"

    C'est paradoxal évidemment, cette façon d'affirmer sa "belgitude" comme étendard d'une identité, disons: post-nationale.

    Mais nous sommes formés aux paradoxes. Ceci n'est pas une pipe...

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  10. (désolé, j'ai pas lu les autres commentaires)
    Je voulais juste ajouter que vous avez tout à fait raison. Et ça me fait plaisir de lire ce texte car il y a quelques semaines déjà que je tiens exactement le même discour auprès de mes proches :
    Le défis belges aujourd'hui, est le défis multiculturel de l'europe de demain ! On est le laboratoire de l'europe et c'est à nous à montrer aux autres pays que quelque chose de beau est possible !

    Enfin voilà, je trouve ça génial que d'autres jeunes (moi aussi j'ai 26 ans) croient en cet idéal européen !!

    Continuez à militer les gars ! l'Europe de demain sera belle !

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  11. Bravo pour ce message de tolérance et de respect...
    "Etre Belge, ce n'est pas se dévisager, c'est s'envisager"........
    Je vais me coucher en méditant vos paroles pleines de sagesse !

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